Le Bâtiment: La Maison Forte du Crest-Cherel
Le château est planté sur une bute dite du Crest-Cherel, terme sur lequel les étymologistes ne sont pas tous d’accord.
Quoi qu’il en soit, c’est bien ce nom que le comte Boniface de Savoie, Seigneur temporel d’Ugine, a exigé que porte la famille de Becket de Hollande lorsqu’il lui remit la maison forte vers 1248, en précisant que soient fusionnés les deux blasons: une tête de cerf d’or sur champ d’azur pour la famille de Hollande et une croix partagée de fleurs de lys pour la famille de Savoie.

En fait, l’origine de cette famille est très controversée. La recherche des documents authentiques antérieurs au 14ème siècle pourrait seule permettre d’éclaircir la question. Dans les documents jusqu’à présent consultés, les Crécherel apparaissent seulement en 1340.
Cependant une coïncidence singulière mérite d’être soulignée :
Entre 1240 et 1340, les Seigneurs d’Allondaz ont un rôle important dans les actes uginois (Hugues d’Allondaz notamment en 1321) tandis que depuis 1340 leur nom disparaît quand paraît celui des Crécherel. Hugues de Crécherel a été mentionné dans un acte de 1339. S’agit-il du changement de nom patronymique suivant au bout d’un siècle un changement de fief et de lieu d’habitation ? Les cas ne seraient pas isolés dans la noblesse savoyarde.
L’ascension de la famille se poursuit jusqu’au 15ème siècle, témoin le partage de l’héritage de Crécherel en 1428 entre nobles Amédée et Claude de Crécherel : une maison forte, des vignes et des prés sous Ugine, un vernet près du pont d’Outrechaise et de nombreux revenus comme le secteur de la Maladière, le patronage de l’Hôpital, sans oublier les droits hors d’Ugine (Marthod, Thénésol, Allondaz).
Cet important document corrobore une notable part de la tradition familiale relative aux droits des Crécherel sur l’Hôpital, fondé par leurs ancêtres au 13ème siècle, leur rapport avec Allondaz, et en général le rôle de cette famille dans la vie uginoise. Jusqu’à 1740, nous retrouvons toute une lignée des Crécherel, date à laquelle la famille Geny d’Ugine en prendra possession, en fort mauvais état du reste… En 1921, les descendants de la famille Geny céderont le château du Crécherel à la commune pour la somme de 100.000 Francs anciens.
À présent, le château du Crest-Cherel est un bâtiment bien diminué en hauteur et considérablement remanié depuis le Moyen Âge. Il a connu les fantaisies de différents propriétaires, et même a dû répondre aux nécessités scolaires. La commune y installa deux classes maternelles, y logea des instituteurs remplaçants, puis des employés municipaux….. Le château semblait, dans les années 1970, voué à l’oubli. La municipalité conduite par M. Jean-Marie MEUNIER (ancien maire d’Ugine), se soucia durant plusieurs années, à mettre en valeur une belle série de monuments et sites historiques médiévaux encore trop méconnus.
Le conseil municipal décida donc de restaurer le château et le réserva au Musée d’Arts et Traditions Populaires du Val d’Arly, section de l’Amicale Laïque.
Sous la direction des Affaires Culturelles, il faudra 10 ans pour que puissent s’effectuer les travaux de restauration pour une entreprise spécialisée de Bourg-en-Bresse dirigée par M. BROCARD, architecte des Bâtiments de France. Le château du Crest-Cherel est sauvé.
Des fouilles archéologiques sont entreprises de 1978 à 1980, en collaboration avec les membres de la section « Musée » et des membres de l’Université Jean Moulin, département d’Histoire Lyon III.
L’ultime extension – les fouilles archéologiques
À l’arrière du château, dans la grande cour pavée englobant l’ancienne, nous sommes en présence des restes d’un bâtiment secondaire et de nouveaux aménagements réalisées à la fin du 15ème siècle et durant le siècle suivant.
Ces aménagements mis à nu lors des fouilles opérées de 1978 comportent :
- une tourelle carrée
- une citerne alimentée par l’eau des toits
- un édifice avec au rez-de-chaussée une grande salle comprenant l’emplacement d’une sorte de dressoir
- une petite salle plus haute de deux marches à côté de la 1ère.
Les nombreuses découvertes tels qu’éléments d’escalier à vis, de cheminée, de blocs chanfreinés, révèlent au moins un étage supérieur de construction extrêmement soignée. Il semblerait y avoir eu une chapelle, un magasin, un verger flanqué de son dépotoir, et peut-être une écurie ou de nouveau communs, mais ces constructions étaient en bois, tout ont été détruites pour être remaniées. Ces produits de fouilles attestent vraiment l’évolution de la maison forte vers la résidence : pas le moindre fragment d’arme, mais des clés et ferrures de coffrets médiévaux, une penture à crémaillère, un fragment de récipient de cuivre, une serpe, un cercle de tonneau.
Tout cela évoque l’aisance d’une famille et aussi la gestion des terres voisines.
